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Le corps, l’espace, la pensée : le lieu comme laboratoire existentiel

  Argument du cours 

Habiter un lieu est la première condition, à la fois chronologique et logique de l’homme, condition que l’étymologie ancienne du mot « habiter » rappelle en faisant référence à l’utérus de la mère. Depuis notre occupation archaïque au sein du ventre maternel jusqu’aux mégalopoles construites, les hommes « habitent » la Terre et architecturent des lieux à vivre, des lieux pour vivre. Cette façon d’architecturer le monde, de créer et d’occuper l’espace est proprement humaine. L'habiter met en jeu, en effet, toute la complexité de la condition spécifiquement humaine par laquelle l'homme « est » au monde, « dans » le monde (Umwelt) et se confronte au monde, qui peut se présenter dans toutes ses ambiguïtés : tour à tour ou tout à la fois menaçant ou accueillant, dans l’oscillation entre déracinement et enracinement dans une terre natale, à l’intersection de l’intime ou de l’extime, dans ou hors de la frontière ou simplement « non-lieu ». La modernité récente a connu une révolution majeure avec l’avènement du numérique en ceci qu’elle nous « délocalise ». Nous sommes ainsi passés de l’espace euclidien -  celui du cadastre - à un espace topologique qui se définit par un voisinage. Car  chacun est aujourd’hui le voisin de tout autre sur la Terre. Cette redéfinition de l’espace implique une redéfinition de ce que signifie l’ « habiter ». Nous n’habitons plus seulement physiquement un lieu déterminé (une maison, un appartement, une ville, un quartier) mais également cet univers topologique qui devient notre univers de référence au point que nous sommes désormais, comme le montre Michel Serres, des « homo mobilis » : l’homme classique avait intériorisé le cosmopolitisme, l’homme contemporain l’extériorise.  Que peut dès lors dire l’homme de lui-même et comment se comprend-il à l’ère de l’instant permanent alors que se trouve modifié en profondeur son rapport à autrui (l’espace de la relation), au monde (l’espace territorial)  et donc aussi à soi-même (l’espace intérieur) sous une forme de dictature inédite : celle de l’urgence et du temps fragmenté.

Un grand projet d’architecture apparaît toujours comme le condensé de la vision du monde d’une époque, que les philosophes s’efforcent de thématiser, d’expliciter. C’est ce qu’il nous faut considérer. Pour ce faire, nous proposons de nous lancer dans l’aventure de la pensée européenne en explorant quelques types d’espaces paradigmatiques : la caverne, la Cité, le Cosmos, la psyché, l’intimité, l'espace démocratique, la Terre qui sont autant de déclinaison d’une expérience vitale autant qu’immémoriale : qu’est-ce qui, dans l’espace et dans le temps, me relie à moi-même, à autrui et au monde ? Et comment coupler une chronosophie (une sagesse dans l'art d'habiter le temps) à une écosophie (la nécessité de penser la place de l'homme dans la hiérarchie du vivant)?

   Evaluation 

Travail de groupe afin de stimuler la coopération.

Sur la base de la matière vue au cours,  il sera demandé de réaliser un « objet » (une création) qui matérialise un concept-clé, une vision, une proposition philosophique sur le thème du « lieu comme laboratoire existentiel », afin de la recréer dans le contexte contemporain.

L’examen est présenté en groupe et défendu oralement.