Le but de ce séminaire sera de comprendre comment s’incarnait au quotidien la philosophie au XVIIe siècle, hors des collèges et de l’université, à partir du destin croisé de deux femmes remarquables qui se croisèrent à Anvers dans les années 1650 : Margaret Cavendish (1623–73), duchesse de Newcastle, réfugiée royaliste anglaise, femme de lettres, fashionista excentrique, qui résidait alors avec son mari dans la maison du peintre décédé Pieter Paul Rubens (†1640) ; et ensuite Christine, reine de Suède (1626–89), qui avait accueilli Descartes à Stockholm (où le philosophe français meurt en 1650), et qui arrive à Anvers en 1654, habillée en homme, puis se convertit secrètement au catholicisme à Bruxelles, avant de rejoindre Rome pour le reste de ses jours.
Nous reconstruirons le parcours de ces deux femmes philosophes à partir de trois contextes : (1) le microcosme intellectuel, artistique et scientifique anversois – et ses liens avec la Cour à Bruxelles et l’Université de Louvain ; (2) le milieu des collèges et de couvents anversois, à commencer par le collège jésuite, les autres ordres religieux masculins (dominicains, franciscains, augustins, carmes) et les deux couvents féminins carmélites, dont l’un a peut-être inspiré Cavendish pour son extraordinaire pièce The Convent of Pleasure (1668), truffé d’ambiguïtés homo-érotiques ; (3) les innovations de la philosophie moderne en général, qui forment le contexte de la philosophie de Margaret et Christine (en particulier les œuvres de Descartes et Hobbes).
Trois thèmes nous retiendront en particulier : la science, car Margaret Cavendish fut une remarquable femme de science, pionnière de l’anti-aristotélisme de l’époque, et première femme admise à assister à une séance de la Royal Society de Londres ; le sexe, car tant Christine que Margaret ont exploré, dans leurs écrits et aussi leurs vies, des nouvelles manières de comprendre le genre, la sexualité et la vie maritale ; l’utopie enfin, car Margaret Cavendish est l’autrice d’une œuvre de science-fiction philosophique (The Blazing World, 1666), où science, sexualité et utopie politique se combinent d’une façon très originale, et Christine de Suède, par sa conversion et ses fréquentations futures – notamment le jésuite luso-brésilien António Vieira (1608–97) à Rome, était animée d’un esprit apocalyptique.

Chaque séance sera consacrée à un texte spécifique (la liste sera fixée en début de quadrimestre), que l’une ou l’un des participants devront présenter aux autres. L'enseignant fera les exposés de cadrage générale.
Une séance sera consacrée à un voyage de classe à Anvers sur les lieux discutés dans le séminaire, selon le nombre d’étudiants inscrits.